Découverte, espoir, mais c’est pour après-demain…
Guérir de l’épilepsie, ce pourrait être possible
Un gène “interrupteur” pour en finir avec ces crises qui donnent l’impression qu’un éclair traverse le cerveau, en voilà une nouvelle stimulante.
Sélectionné et édité par Daphnée Leportois
Temps de lecture : 3 minutes
La découverte d’un gêne “interrupteur” qui déclenche l’épilepsie par Christophe Bernard est une grande nouvelle pour le monde de l’épilepsie : elle pourrait permettre de traiter les patients à risque avant l’apparition des crises.
Photo de laszlo-photo
L’épilepsie touche 1% de la population. En France, il y a donc environ 500.000 épileptiques. Ce chiffre vous surprend ? Rien d’étonnant : beaucoup de ces malades ont des crises peu fréquentes, des symptômes peu visibles et cachent leur maladie. Vous ne saurez jamais qu’ils sont épileptiques.
L’épilepsie n’est pas une maladie surnaturelle
L’épilepsie est ce que j’appelle une double maladie :
– D’une part, ces crises bouleversantes terrassent pendant quelques minutes et il est difficile de récupérer avant quelque fois plusieurs heures. Ce sont les symptômes d’un cerveau qui pendant un moment ne fonctionne plus, ou tout du moins fonctionne mal. À cela, il faut ajouter un taux de mortalité beaucoup plus élevé que celui de la population moyenne.
– D’autre part, le regard des autres qui n’est pas spécialement compatissant : quand le malade se “réveille” et revient à lui, il voit autour de lui des gens apeurés, des regards inquiets.
Être épileptique implique souvent le sentiment d’être rejeté par la société. D’où ces malades qui cachent leur pathologie pour éviter d’être ghettoïsé et a-socialisé.
Photo de tj.blackwell
Rendez-vous compte : en 2000, 8% des Français pensaient que l’épilepsie était une maladie surnaturelle ! Cette vision moyenâgeuse, ces préjugés, nous tentons de les contrer en expliquant ce qu’est vraiment l’épilepsie : une maladie neurologique, conséquence d’un dysfonctionnement de l’organe principal qu’est le cerveau.
C’est aussi à ce titre que je salue la découverte de Christophe Bernard, membre du Conseil scientifique de la Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie (FFRE) que je préside, et de son équipe de l’Inserm. Je m’en félicite doublement car la FFRE lui avait, avec d’autres, octroyé des crédits de recherche. Les résultats de leur recherche pourraient permettre de soigner et de prévenir une forme temporale de l’épilepsie.
Un gêne “interrupteur” de l’épilepsie
L’épilepsie du lobe temporal (30% des cas) résulte le plus souvent d’une agression antérieure, comme un traumatisme crânien, une infection du type méningite ou encore un accident vasculaire cérébral.
Jusqu’à présent, les médicaments permettaient de réduire, pour 70% des patients atteints d’épilepsie temporale, le côté spectaculaire de leurs crises, voire de les supprimer. Mais 30% ne peuvent être soignés. Et on ne pouvait agir en amont de l’apparition de la maladie.
Christophe Bernard a identifié un gène “interrupteur” de l’épilepsie. Ce gène, activé par l’agression initiale, produit une protéine qui contrôle l’expression de 1800 autres gènes, lesquels sont à l’origine d’une réorganisation des neurones qui provoque la crise d’épilepsie. L’idée est donc d’empêcher cette protéine d’agir, de la tronquer et de la neutraliser en lui envoyant des leurres.
Photo de Visually Noisy
Attention, je ne veux pas donner de faux espoirs. Pour l’instant, les chercheurs travaillent sur des rats : ils leur ont injecté dans le cerveau ces fameux leurres qui diminuent considérablement les symptômes épileptiques. Bien évidemment, on ne peut pas agir de la même façon sur les êtres humains, surtout qu’on n’en connaît pas encore les effets secondaires.
Ce n’est pas avant cinq à dix ans que de tels leurres pourront être prescrits par les neurologues. Mais Christophe Bernard continue de travailler dans cette voie et va chercher à identifier des molécules, sans effets secondaires, qui pourront être avalées et joueront le même rôle que les leurres pour les rats.
L’équipe de chercheurs va aussi tenter de trouver d’autres gènes agissant de la même façons. L’idée est de parvenir à freiner la progression de la maladie et d’agir de manière préventive – par exemple, si une personne a un traumatisme crânien et qu’on détecte un des marqueurs, signifiant qu’elle peut être sujette à l’épilepsie, on pourra la traiter et éviter l’apparition de crises.
Cette découverte est une grande avancée, qui permettra d’empêcher l’apparition de crises chez plusieurs dizaines de milliers de personnes atteintes d’épilepsie temporale. Pour les 20 ans de la Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie, c’est un beau cadeau. Cela nous encourage à continuer d’octroyer des crédits de recherche à des équipes jeunes qui ont des idées originales pour toutes les formes d’épilepsie.