Dépendance, Vieillissement, François Hollande relance la réforme prudemment
Contexte de rigueur aidant, peu d’observateurs s’attendaient à l’annonce par le président de la République, lors du récent congrès de l’Uniopss, d’une relance de la réforme de la dépendance. Conforme à son image, François Hollande avance cependant dans ce chantier avec prudence. Quelques explications ;.Je veux enfin évoquer un sujet qui mobilise beaucoup vos associations, celui du vieillissement. Malgré le contexte économique difficile, nous avons un devoir envers la génération qui s’éteint. La dépendance n’intervient le plus souvent qu’après 85 ans et d’ailleurs, au-delà de cet âge, seule une personne sur quatre connaît cette réalité…Nous devons permettre donc à chaque personne âgée qui le souhaite de rester à son domicile. Pour cela les associations jouent un rôle considérable. Nos logements doivent être adaptés, 80 000 le seront, sur les 5 prochaines années, aux contraintes du grand âge. Parallèlement, nous devons ouvrir davantage de possibilités de prise en charge temporaire dans des établissements, même des accueils de jour, ce qui se fait trop peu aujourd’hui… Le plan Alzheimer relancé en septembre dernier doit s’ouvrir à l’ensemble des maladies neuro-dégénératives ou d’affections psychiatriques…De nombreuses familles renoncent, faute de moyens, à placer un des leurs en établissement… Il y a, bien sûr, l’aide sociale départementale. Qui parfois va chercher le revenu des enfants et même des petits enfants pour faire face aux besoins, dans certains cas. On a là besoin d’une clarification des règles, parce que je veux qu’il y ait une régulation nationale et, en même temps, j’ai le souci qu’il y ait cette solidarité familiale mais qui ne soit pas poussée à l’extrême. La réforme de la perte d’autonomie a un coût. Je dois une parole de vérité : comment imaginer que nous pourrions d’un seul coup trouver les curas que nous cherchons pour financer la dépendance. Cette réforme sera prête à la fin de l’année. Il y aura une grande concertation avec les associations et nous trouverons àce moment-là les conditions pour la financer. Cela ne se fera pas en un seul jour. Nous étalerons cet effort sur le quinquennat et nous devrons trouver des recettes qui soient celles de la solidarité. 11 y aura aussi un partage entre la solidarité nécessaire, parce que nous sommes un pays de cohésion sociale, et la responsabilité individuelle, personnelle, indispensable. Parce qu’il faut une participation de chacun à l’effort. »Extrait du discours de François Hollande, président de la République, le 25 janvier 2013 au congrès de l’Uniopss à Lille.
TOP DÉPART MAIS.. .
Ces propos présidentiels sont un soulagement évident pour tout le monde : les personnes, les familles, les acteurs, et bien entendu les militants et élus de la majorité. François Hollande respecte ses engagements de campagne présidentielle ! Dans le contexte ambiant, compte tenu des silences voire des ambiguïtés de l’exécutif au plus haut niveau depuis plusieurs mois,on se demandait ce qui resterait de la promesse du printemps2012. Certes, Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de Marisol Touraine, avait obtenu en juin, de haute lutte, le titre de ministre en charge de l’autonomie des personnes âgées, un concept forcément plus large et donc susceptible aux yeux des« budgétaires » de provoquer des exigences supplémentaires… Certes, pas moins de trois nouvelles missions ministérielles, à l’utilité « moyenne » ont été initiées. Mais depuis quelque temps, régnait un pesant « silence radio ». Certes encore, la ministre de la Santé évoque le nécessaire parcours de santé des personnes âgées, facteur d’efficience médicale, sociale et médico-sociale, puisque l’objectif est de favoriser une logique de désinstitutionnalisation des prises en charge. Désormais, le moral est au beau fixe. Il y aura une réforme de la dépendance. C’est promis juré ! La gauche ne recommencera pas le scénario de Roselyne Bachelot qui fit travailler toute l’intelligence de la République sociale pour se faire dire,au final, par Nicolas Sarkzoy, que faute de moyens, on en resterait au stade des études. Fussent-elles brillantes. Décanter le propos présidentiel appelle cependant la prudence. La réforme verra le jour en 2014. Elle aidera la majorité présidentielle pour les délicats rendez-vous électoraux. Son financement sera limité dans un premier temps. 1 Md€ d’abord, sachant que la contribution des retraités, décidée pour 2013, ne pouvait demeurer lettre morte. Difficile d’aller plus loin. Car le gouvernement devra aussi poser en termes d’efforts et d’économies les modalités de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, trouver des recettes pour les régimes de retraite et, peut-être, mettre fin à la spirale des hausses répétées, désormais mal supportées par l’opinion, des prélèvements sociaux en tous genres. Surtout, au moment où la reprise économique se fait attendre ardemment. Prudence donc sur l’amplitude de la réforme. D’autant que le chef de l’État demande à son gouvernement de privilégier une approche« light » de la compensation de la perte d’autonomie :une augmentation globale des aides (APA) certes mais couplée ‘abord à leur redistribution interne et un meilleur ciblage. Enfin, appel est fait à l’effort individuel, donc à la responsabilité des familles en premier lieu. Le rôle de l’assurance n’est pas évoqué explicitement. Difficile, dans l’esprit de François Hollande, de le négliger, ne serait-ce que comme substitut naturel au reste à charge individuel direct. Trois missions dont les rapports sont attendus ces jours-ci Luc Broussy sur l’adaptation de la société au vieillissement, Martine Pinvilie, députée PS, sur les expériences étrangères, et Jean-Pierre Aquino sur la prévention et la qualité de vie des personnes âgées. Les travaux sur la perte d’autonomie sont nombreux et s’expriment en milliers de pages comme la grande consultation générale de 2011, initiée par Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp, les réflexions du Cese, de la CNSA, du Hcaam, du Parlement, du CAS, des associations et organisations professionnelles. Entre 2007 et 2012, pas moins de10 contributions d’envergure nationale.e31,4 Leldse de dépenses totales en 2010 dont 24 cc publiques ».e 1,2 million de personnes dépendantes en 2011 (2,3 millions projetées en 2040).
Quelques éclairages complémentaires sont toutefois nécessaires pour comprendre la position de l’État dans ce dossier. D’évidence la prudence budgétaire. Le coût de la dépendance pourrait avoisiner les 35 Mds € fin 2012(27 Mds € en public), toutes prises en charge confondues, publiques et privées, soit 1,75 % du PIB. La France peut-elle, doit-elle, aller plus loin ? Nombre d’élus sont extrêmement prudents. Comme le déclarait, en 2000,Henri Emmanuelli, alors président du conseil général des Landes, « sur ce type de sujet, en France, on commence à 20 Mds€ pour finir à 100 Il faut agir sur les tarifs des établissements pour personnes âgées. Et les encadrer. Il existe unetelle différence entre le niveau moyen des pensions et le coût de l’hébergement que cela est parfois insupportable. On va réfléchir sur la façon d’encadrer les loyers. Comme freiner le coût des relocations ou plafonner les prestations facturées aux résidents via les conventions. Nous envisageons de créer un site sur les prix », Michèle Delaunay, ministre déléguée dansLe Parisien.as question d’associer les assurances privées à la1_ réforme de la dépendance », propos communs de Marisol Touraine et Michèle Delaunay à la fui du printemps 2012…nous avons attendu, en vain, pendant 5 ans, la réforme de la prise en charge de la dépendance. Le gouvernement actuel continue de nous balader. Les déclarations de François Hollande n’incitent pas à l’optimisme. Les vraies urgences ne seront pas traitées», Bernard Ennuyer, sociologue, dans PSI.« T a réforme annoncée n’a rien à voir avec ce qui1.4 avait été promis. Qu’aurais-je entendu de la part de la gauche si nous avions fait cela en 2011 ? »,Roselyne Bachelot.dans la plupart des expériences étrangères intéressantes, ce qui compte c’est l’inclusion sociale. Nous n’avons pas observé de ruptures de prise en charge comme en France. Prévention et lien social doivent être deux axes forts de toute réforme »,Martine Pinville, députée PS, auteur du rapport sur les comparaisons internationales (Suède, Canada et Espagne).T es tenants de l’immobilisme — N.D.L.R.1les professionnels et institutionnels de la dépendance des personnes âgées — sont souvent sur la défensive. Leur raisonnement est simple. À partir de2025, la démographie de la population concernée double : il faut donc doubler les moyens. On en reste à l’organisation actuelle et on extrapole selon les besoins projetés » Marie-Amie Montchamp, ancienne ministre dans À gauche de la droite, éditions Desclée de Brouwer.e La prise en charge de la perte d’autonomie est un sujet« casse-cou » dans les esprits parce que multifactoriel et incontrôlable s’agissant de transferts inter et intragénérationnels, sans frontières clairement identifiées. Les milieux professionnels ont beau dire que cela « représente une chance pour l’économie et le redéploiement de la sphère sociale », pour la culture générale de la haute administration, il s’agit plutôt d’une charge illimitée pour la collectivité, avec un faible retour pour l’économie domestique. Si le débat solidarité/assurance, bien connu des experts a finalement trouvé un apaisement, peu savent où passe la ligne de « démarcation » entre les deux logiques. Pas de réforme sérieuse de la dépendance sans une stratégie de prévention en amont, transversale pour l’organisation, les parcours et la régulation des prises en charge. Tout le monde le sait mais ni l’État ni les régimes sociaux ni les acteurs professionnels n’assument cette évidence stratégique. Agir sur la perte d’autonomie passe par une réforme globale des prises en charge. C’est une redéfinition d’ensemble du système auquel il faudrait s’atteler. Mais cette dimension stratégique manque. Le risque serait de poursuivre un peu le saupoudrage habituel, faute de vision, de courage, et de temps politique aussi. Rendez-vous d’ici quelques mois pour y voir, peut-être, plus clair
Et les assurances ? Difficile de trouver des données fiables. Avec ténacité, notre confrère L’Argus de l’assurance s’y essaie. Les derniers chiffres recollés par le périodique (fin2011) font état de près de 500 Ms € de cotisations et primes encaissées (données hors CNP Assurances cependant)par quelque 15 opérateurs… L’enquête non exhaustive de L’Argus donne un ordre de grandeur. Soit 1,7 % à 2 %, au plus, des dépenses totales, encore s’agit-il de recettes et non de prestations… L’assurance dépendance est un petit marché dont on ne perçoit pasencore les bases objectives du développement. Les formules d’assurance proposées vont de l’épargne à l’intégration dans la cotisation maladie complémentaire, en passant par des approches mixtes. La première voie est celle des assureurs, la seconde celle des mutuelles de fonctionnaires, la troisième, celle des paritaires. Cela reste donc plus une affaire de débats d’experts et de communication que de vrais enjeux de gestion durisque pour l’instant. Parmi les acteurs, citons le Crédit agricole, AG2R-La Mondiale — le premier à avoir agi dès 1985 avec son produit Saphir —, Groupama, La Banque Postale, l’UNPMF, la MGEN, Malakoff-Médéric, Ocirp, MNH, Allianz, etc.