Un regard sur les 16èmes Journées Françaises des Épilepsies 2013 à Lille : ”Vivre avec son épilepsie” par Philippe Kahn
Ils étaient tous là . Les grands médecins épileptologues, les praticiens plus anonymes, les infirmières venues en groupe avec les techniciennes EEG, en bref, tous les représentants de l’épilepsie nationale. Plus, cette année, quelques grandes pointures européennes et québecoises.
Et les associations, assez visibles, auxquelles on avait réservé un large stand derrière le buffet du traiteur, on ne pouvait pas les rater !
AEGE était présente par votre serviteur sur celui de notre Fédération, EFAPPE, rangée sous la bannière du CNE (le Comité National des Épilepsies). Donc on avait disposé nos documents, bien rangés, à portée de main, prêts à répondre aux questions des congressistes. Comme toujours, nous avons constaté que ces derniers venaient sur nos stands essentiellement durant les pauses et particulièrement au moment du déjeuner. Le reste du temps nous étions donc libres d’assister aux communications.
Deux catégories. Une, essentiellement médicale, majestueuse, dans le grand amphithéâtre, l’autre moins technique, plus abordable et plus centrée sur les besoins des personnes épileptiques, dans un amphi plus petit et de ce fait plus convivial aussi. J’ai donc pu me rendre à nombre d’entre elles, choisissant soigneusement mes centres d’intérêt. C’est cool, comme disaient les jeunes d’antan, t’as le choix, au même moment entre « EEG fMRI (séquences EPI rapides : fast EPI) » ou « Mise en œuvre d’un programme ETP (Éducation thérapeutique) », je ne vous surprendrai pas en vous disant que j’ai choisi le second…
Alors quels ont été les temps forts pour moi de ces JFE lilloises 2013 ? Sans aucun doute l’accent nouveau mis sur psychiatrie et épilepsie.
Attention, non pas pour (re)classer les épilepsies dans le champ de la psychiatrie (on ne retombe pas dans les vieux travers, les épilepsies, répétons-le, sont des pathologies exclusivement neurologiques), mais d’une part pour souligner l’importance des comorbidités psychiatriques qui accompagnent souvent les épilepsies actives (en tout premier lieu les dépressions, lumineuse communication du Professeur Ryvlin qui parle de « déprelepsie » tant est fréquente l’association, à un moment ou à un autre dans la vie de personnes épileptiques, de leurs crises et d’une dépression) et par conséquent de l’importance, pour beaucoup de patients, d’être suivi conjointement par un psychiatre qui connaît l’épilepsie, ce qui n’est malheureusement pas fréquent de nos jours (pourquoi diable a-t-on mis les neuropsychiatres au placard ?) et d’autre part l’accent mis sur les CPNE (crises psychogènes non épileptiques) qui, comme une célèbre boisson, ressemblent aux crises d’épilepsie mais n’en sont pas une, et la manière étrange qu’ont les praticiens neurologues et psychiatres de se renvoyer la balle, c’est à dire, en l’espèce, le patient avec (et c’était hilarant lors d’une vidéo présentée par le Dr Mastelli) tout le problème de « l’annonce » et le manque effrayant de la plus élémentaire psychologie de certains praticiens lors de l’annonce d’un trouble psychiatrique ! Soit dit en passant le problème de « l’annonce du handicap » est au centre actuel des préoccupations des associations qui œuvrent dans le champ du handicap et des représentants des usagers du système de santé. Mais là nous débordons les limites de cet article.
D’autres communications ont attiré mon attention, sous la rubrique générale « Vivre avec son Épilepsie » comme l’excellente « Épilepsie et Travail » de S. Fantoni, qui posait très clairement, à partir de l’étude de diverses situations, l’opportunité de demander ou non (et de le déclarer) le statut de RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), ou bien la remarquable « Mise en œuvre d’un programme d’ETP », citée plus haut, de M. Tirlemont et A. Beaurain, ou bien encore la très complète intervention « Remplir un dossier MDPH, comment et pourquoi ? » par notre Présidente EFAPPE, F. Thomas-Vialettes.
Et puis comment ne pas citer l’intérêt suscité par le Professeur Steinhoff du Centre épileptique de Kork sis de l’autre côté du Rhin à la hauteur de Strasbourg, par sa communication sur une nouvelle classe de médicaments anti-épileptique, avec le recul d’un an de prescription, porteuse d’espoir pour de nombreux malades.
En conclusion, que retenir de ces deux journées passées à Lille ? Tout d’abord, ce qui est revenu comme un leitmotiv : il ne faut pas réinventer l’eau froide, c.à d., il faut s’inspirer de ce qui se fait bien ailleurs, comme nos amis québecois nous l’enseignent, en s ‘inspirant par exemple de techniques norvégiennes en matière d’ETP, et ensuite que, comme toujours, les JFE sont à la fois riches de présentations de très haut niveau pour une audience de spécialistes (et de moins spécialistes), l’opportunité pour certaines équipes de présenter le fruit d’un long travail, de montrer de nouvelles voies à suivre, d’ouvrir des portes pour un mieux être des malades épileptiques, et bien sûr l’occasion de se rencontrer épisodiquement en coulisses, entre vieilles connaissances, ce qui, comme dans tous les symposiums, est probablement le plus important !